En février 2020, un vote crucial a eu lieu au sein du comité de normalisation du C++ sur la rupture de la compatibilité ABI en faveur de la performance. L’initiative principalement poussée par les employés de Google a échoué. Résultat : de nombreux Googlers ont cessé de participer à la normalisation du C++, ont démissionné de leur rôle officiel au sein du comité, et le développement de clang a considérablement ralenti. C’est de cette rupture que naît le projet Carbon annoncé comme successeur du C++. L’objectif : explorer une direction future possible pour le C++ étant donné les difficultés à l’améliorer. Le projet Carbon mise sur l’interopérabilité avec le C++ comme base de travail.
Lors d'un récent évènement dédié au langage C++ cette semaine à Toronto, Chandler Caruth, ingénieur logiciel chez Google, a présenté le langage Carbon, décrit comme un successeur expérimental du C++, suscitant un vif intérêt au sein de la communauté C++.
« Nous comprenons l'intérêt de la communauté pour cette keynote. Nous publierons l'enregistrement selon un calendrier accéléré », ont déclaré les organisateurs de la conférence sur Twitter. Carruth est responsable technique des principaux langages de programmation et de l'évolution des langages de Google. Il représente Google au sein du comité des normes C++ et contribue à LLVM et Clang.
Les développeurs de Carbon expliquent que si le C++ est le langage dominant pour les logiciels à performances critiques, son héritage et sa dette technique signifient que l'amélioration incrémentale du C++ est extrêmement difficile.
Une solution consiste à migrer vers d'autres langages tels que Rust, Kotlin, Swift ou Go, mais il est difficile de migrer vers ces derniers à partir du C++. De plus, dans certains cas, ces derniers présentent une surcharge de performance. Carbon est un nouveau langage qui vise à égaler les performances de C++ et à maintenir une interopérabilité bidirectionnelle transparente, ainsi qu'une courbe d'apprentissage douce pour les développeurs C++.
L'équipe promet en sus un certain niveau de traduction de source à source pour le code C++. Le projet présente des parallèles avec TypeScript pour les développeurs JavaScript, ou Kotlin pour les développeurs Java, bien que la comparaison ne soit pas exacte. Carbon est conçu pour être interopérable avec le code C++ et pour faciliter la migration. La chaîne d'outils Carbon prendra en charge la compilation du code C++.
Pourquoi le C++ est-il difficile à améliorer ? Parce que le langage lui-même a commencé comme une bifurcation du C. Le langage C a 50 ans, il n'est donc pas surprenant qu'il y ait beaucoup d'héritage. Selon l'équipe Carbon, les concepteurs du C++ ont ajouté plutôt que remplacé des fonctionnalités du langage au fil du temps, créant ainsi des interactions complexes entre les fonctionnalités. La préservation de la compatibilité binaire est un autre problème hérité. En outre, le comité C++ et le processus d'évolution sont orientés vers la normalisation plutôt que la conception, sont lents et ne parviennent pas toujours à prendre des décisions.
Carbon s'efforce de contourner ces problèmes en adoptant une nouvelle approche fondée sur les principes de l'open source. « Nous tenterons même de combler une énorme lacune dans l'écosystème C++ avec un gestionnaire de paquets intégré », peut-on lire dans les documents. La feuille de route actuelle vise à terminer la version 0.1 du langage cette année, la 0.2 en 2023 et la version 1.0 en 2024 ou 2025.
Le langage Carbon sera familier aux développeurs C++ et C, mais il y a aussi de nombreuses différences. Les fonctions sont déclarées avec le mot clé fn et les variables avec var. Il existe également des tuples fortement typés. L'inférence de type est supportée par le mot-clé auto. Les pointeurs sont pris en charge mais pas l'arithmétique des pointeurs ; les seules opérations sur les pointeurs sont l'adressage et le déréférencement. Les classes supportent l'héritage simple mais pas l'héritage multiple.
La sécurité de la mémoire est une considération importante mais n'est pas l'objectif initial. « La différence entre l'approche de Rust et celle de Carbon est que Rust commence par la sécurité et que Carbon commence par la migration », peut-on lire dans la documentation. L'approche consiste à simplifier le langage afin de créer de l'espace pour les fonctionnalités de sécurité, puis à refaire l'ingénierie des fondations pour modéliser et appliquer la sécurité.
Le projet est sous licence Apache 2 avec des exceptions LLVM. L'équipe prévoit de créer une fondation open source et de lui transférer tous les droits liés à Carbon. « Notre objectif est que la configuration de la fondation soit similaire à d'autres projets open source tels que LLVM ou Kubernetes », ajoute-t-elle. Cependant, le projet exige actuellement que les contributeurs acceptent le CLA (contributor license agreement) de Google, ce qui peut poser problème à certains. Google finance également l'infrastructure de Carbon.
Sur la question de savoir pourquoi ne pas utiliser d’autres langages comme Rust, les têtes derrière l’initiative répondent : « Si vous voulez utiliser Rust, et que c'est techniquement et économiquement viable pour votre projet, vous devriez utiliser Rust ». Toutefois, la question de Rust est au cœur de la réussite future du projet Carbon. En effet, Rust est de l’avis de plusieurs observateurs en passe de devenir le langage de bas niveau standard. Néanmoins, on continue de compter plus de lancements de projets pilotés en C++ qu’en Rust et donc toute possibilité d’aller au-delà du C++ tout en conservant l’interopérabilité doit faire office de bonne nouvelle.
Source : Carbon
Et vous ?
Êtes-vous en accord avec l’argumentaire (le langage C++ est difficile à faire évoluer) qui a mené au lancement du projet Carbon ?
Êtes-vous développeur C++ ? Quelle plus-value reconnaissez-vous à ce projet ? Sinon qu’en attendez-vous ?
Le projet Carbon vient-il avec une plus-value véritable en comparaison à un langage comme le Rust considéré le futur pour ce qui est du développement d’applications système ?
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Le projet Carbon, un successeur expérimental du C++, explore une direction future possible pour le C++ étant donné les difficultés à l'améliorer
Et mise sur l'interopérabilité comme base de travail
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Et mise sur l'interopérabilité comme base de travail
Le , par Patrick Ruiz
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